Giono dans ce livre campe surtout la figure de son père, cordonnier, en un anarchiste naïf au grand cœur, aidant les pauvres et les réprouvés. Mais bien d’autres personnages y paraissent, sa mère repasseuse et les femmes qui travaillent avec elle, Massot le berger qui l’accueille au village, l’homme noir, la mexicaine, les deux musiciens, la prostituée troublante au parfum de musc, et encore une multitude de personnages plus ou moins fantasques. « C’est ma vie intérieure que j’ai voulu décrire dans Jean le Bleu, commenta l’auteur. Cette vie qui était essentiellement magique. Je ne pouvais pas la raconter autrement qu’en créant autour de moi les personnages qui n’existaient pas dans la réalité, mais qui étaient les personnages magiques de mon enfance ».
Le roman est en fait un patchwork d’anecdotes et d’épisodes souvent courts, comme celui de La Femme du boulanger dont Pagnol a tiré son film fameux et Giono une pièce de théâtre. Ou ces scènes qui se déroulent dans une arrière-cour pleine de moutons et de porcs, où résonnent les chansons comme les cris d’un père veillant sa petite fille à l’agonie, et dont le mur de briques lépreux fascine le jeune Jean le Bleu qui croit y discerner un visage de femme…
La chronologie est loin d’être linéaire, entre ses premières années et le départ pour la Grande Guerre, la narration étant plutôt impressionniste. Mais tous ces fragments sont forts, même si parfois déroutants, les uns lumineux, d’autres empreints d’une certaine amertume face à la misère, la cruauté, les souffrances des hommes. Recueil de souvenirs, il est aussi roman d’initiation, à la sensualité, à la pitié, à la bonté, au mystère et au pathétique des existences. La nature, toujours ambivalente, y est fortement présente. Les épisodes oniriques et les personnages improbables nous font souvent flirter avec le fantastique. Mais le regard sur le monde reste celui, tendre, de Giono.
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