- Matthias Vincenot lors d’une lecture
- Photo Françoise Ducastel
Le dernier en date des ouvrages de Matthias Vincenot , « L’Age de mes désirs » (Le Temps des Cerises éd.) lui permet de concilier l’écriture avec une autre de ses passions, la chanson (il préside l’association « Poésie et Chanson Sorbonne ») : le livre est en effet accompagné d’un CD et l’ensemble donne à lire et à entendre 39 poèmes chantés et dits par 41 chanteurs et comédiens, d’Eve Griliquez à Danièle Evenou, Martine Caplanne ou Alain Aurenche, de Pierre Barouh à Anne Vanderlove, Isabelle Mayereau, Emilie Marsh et bien d’autres.
« Dissonances » et « discordance des temps »
« Où vont les gens quand ils ne savent pas où aller ? / Et les enfants qui attendaient la vie / alors qu’ils la vivaient… » demande Matthias Vincenot dont la poésie à souvent la ténuité des « désespoirs discrets » de ces adolescents qu’il évoque volontiers. Ceux, naïvement aventureux, « qui font semblant de n’être pas touchés, coulés », mais dont le trouble est si grand au sortir de la chrysalide… Ceux qui ont grandi « sans les utopies des parents » mais qui cherchent aussi, à travers les manifs et les résistances qu’ils s’inventent, le ciel bleu.
Amour de la vie, amour de l’amour, et donc révolte à fleur de peau contre l’hypocrisie, « la démagogie monotone d’un monde de communicants » ou la « posture dans l’imposture ». L’écriture limpide, fraîche, de Matthias Vincenot joue avec élégance, et humour souvent, des « dissonances », de la « discordance des temps », des « aléas des idéaux », du cœur gris et de la nostalgie qui s’insinue à dose homéopathique dans ses poèmes. Avec toujours cependant, ici et là, pas mal de printemps dans le regard.
Richesse d’interprétations
De l’humour sarcastique des petites annonces de « net-rencontres » ou de « C’est dans combien ? » (qu’on est con), à la gravité de certains vers en prise sur le désarroi, la fêlure, (comme ceux-ci : « Ne parlons pas de ce qui tremble / au creux de soi, / ce qui s’échoue vers le matin / et qui ressemble à ce qu’on fuit »), la palette est large. Et les mises en musique et en voix reflètent cette variété : ironiques, lyriques, enjouées, graves selon les interprètes, leur sensibilité, leur fantaisie. Rien, bien sûr, qui ne soit déjà dans le poème ; mais il y a une façon de le faire chanter propre à chacun et ces quarante-et-une facettes rendent bien compte de la richesse de la poésie de Mathhias Vincenot dont la vitalité n’est pas le moindre atout : « Si nos vies sont ordinaires / désordonnons-les ».
Lui qui « revendique l’anti-rentabilité », au terme de ce recueil-CD, nous laisse plus forts du constat qu’il oppose à la société de la marchandise et de la consommation : « Ce qui ne vaut rien vaut bien mieux ». La poésie ne cesse en effet de le proclamer.
Avec sa « Génération deux mille quoi » , Matthias Vincenot donne des poèmes plutôt désabusés (revenus des « utopies des parents », mais pas de la vie), qui se moquent volontiers des « révoltés de salon », des « bidons » et autres dandys « rasés de loin ».
Bref, ils cherchent un peu d’air en marge de l’air du temps et en se méfiant de celui qui sait « enfumer son prochain », y compris dans « le camp du bien / qui saura toujours mieux que toi / le bon côté du chemin ».
Salutaire démarche de poète qui sait que « la vie est sans raison » mais qu’elle a du prix et qui invite à « se laisser être » pour être vraiment là, au monde.
(Fortuna éditions. 65 pages. 9.90 euros)
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